La mère bienveillante (im)parfaite

Quand je n’avais qu’un enfant et qu’il n’était pas encore en phase d’affirmation, je me disais « Mais c’est super facile la parentalité bienveillante ».

Je trouvais vraiment que je déchirais comme mère. Vraiment, j’étais calme, je l’accompagnais dans ses besoins, je gérais les crises avec bienveillance. A l’époque, je devenais ce genre de nana idéaliste, pleine de convictions et facilement moralisatrice.

Et puis, Mon Grand a grandi. Et puis Mon P’tit Deuz est arrivé. Et la vie m’a rappelé à l’humilité. J’ai du faire le deuil d’être une mère parfaite. Autant vous dire que ça été une sacrée claque; ça été douloureux. Genre, vraiment. Et puis, finalement, je me suis rendue compte que c’était beaucoup plus doux pour moi. Et que c’était peut-être même mieux pour mes enfants.

Le jour où j’ai fait le deuil d’être une mère parfaite.

Mon P’tit Deuz avait quelques mois. Il faisait ses nuits, mais pas du tout les miennes. Ce jour là, j’étais seule avec mes deux enfants, c’était une des premières fois, car jusque là, Mon Grand était gardé en crèche. J’étais en train d’allaiter mon bébé tout neuf et Mon Grand sautait sur le lit à côté de moi, faisait des galipettes, criait, s’agitait. Je lui ai demandé plusieurs fois d’arrêter, je lui ai proposé des options, j’ai essayé tous les outils bienveillants que mon cerveau embrumé me soumettait.

Et à un moment, galipette mal gérée, je me prends un coup et le petit frère avec. La tape est partie, elle a claqué sur sa cuisse. J’ai frappé mon fils. J’ai vu son regard de peur et d’incompréhension, juste avant qu’il se mette à pleurer.

J’ai tapé mon fils ! Il sait que c’est possible maintenant, il aura toujours ça au-dessus de la tête. Je suis nulle de ne pas avoir senti ma colère avant, de ne pas avoir eu la force de me lever et de m’isoler. Super, la mère bienveillante, maintenant je ne pourrais plus dire que j’ai élevé mon fils sans le taper. Voilà ce que je me suis raconté à ce moment là.

Autant dire que j’ai été extrêmement triste de mon geste, en colère contre moi-même, j’ai vécu un fort sentiment de culpabilité. Culpabilité exacerbée parce que je savais qu’il vivait un chamboulement avec l’arrivée de son frère et qu’il cherchait simplement mon attention d’une manière maladroite. Il avait besoin que je le réassure sur sa place et mon amour et au lieu de ça je l’ai tapé. Culpabilité exacerbée aussi parce que je suis moi-même une aînée et que je sais ce que ça fait de perdre l’exclusivité.

Bref, je me suis vue comme une mauvaise mère. Pas capable de gérer deux gosses, alors que tout le monde y arrive.

Le jour où j’ai accepté d’être une mère imparfaite

Ca ne m’a pas pris un jour. Ouhlala non, ça été un cheminement. Mais c’est tout récemment que je me suis rendue compte qu’une partie de moi est en paix avec le fait de ne pas toujours y arriver, de crier, d’avoir des gestes parfois brusques, bref de faire des « sorties de route ».

Je suis sur des groupes facebook de parentalité. Souvent, je vois passer des posts de mamans désemparées par le comportement de leurs enfants, qui se sentent dépassées, qui avouent avoir des réactions à l’opposé de leurs principes et s’en sentir vraiment tristes.

La plupart des personnes répondent par des conseils. Ne fais surtout pas ça, tu vas lui griller le cerveau. Reste bienveillante, tu as les capacités de prendre sur toi, pas ton enfant. Ce n’est qu’une phase, ça va passer.

Moi la première, je réagis parfois comme ça. Je réagis souvent comme ça avec moi-même, et même plus violemment.

Mais là, récemment, je me suis demandé: que viennent chercher ces mamans? Des conseils? Peut-être. Mais je crois, qu’elles ont surtout besoin de soutien. Qu’on leur dise qu’elles ne sont pas des merdes parce qu’elles ont fait une sortie de route. Que ça arrive. Que c’est normal. Oui, notre cerveau est mature. Oui, on est capable de prendre sur nous. Mais pas tout le temps merde! On est humains avant tout. Et parfois, on n’a juste pas les ressources!

Alors, oui, mille fois oui, j’aurais préféré ne jamais tapé mon fils. Ne jamais lui crier dessus. Ne jamais l’isoler. Mais ça m’arrive. C’est ça la réalité ! Ca m’arrive !

Alors, quoi, est-ce que ça efface tout ce que je fais de « bien » à côté? Est-ce que parce que, quelquefois, quelques moments je ne suis pas au top, ça annule tous les effets du reste du temps où je suis attentionnée et bienveillante?

C’est injuste de penser comme ça ! J’ai le droit à l’erreur ! Je ne peux pas humainement être toujours parfaite, personne ne le peut. Et non, ce n’est pas se donner des excuses que de se dire ça. C’est être réaliste. Et être bienveillant avec soi-même.

Soyons clair, que mes propos ne soient pas déformés. On ne parle pas de punir, de crier ou d’avoir des gestes brusques à visée éducative. On parle de réactions de colère incontrôlées et d’écarts occasionels à une ligne de conduite généralement bienveillante.

La réalité de la mère (im)parfaite

La mère bienveillante (im)parfaite a accepté qu’elle ne pouvait pas humainement être parfaite. Que les choix éducatifs qu’elle se fixe sont une ligne de conduite. Et qu’il y aura des écarts.

La mère bienveillante (im)parfaite ne se cherche pas d’excuse, ne relativise pas. Elle sait que crier ne sert à rien en plus de faire monter le taux de cortisol dans le cerveau de son enfant. Elle sait que les gestes brusques font peur. Elle a conscience que ses écarts ont des conséquences sur son enfant, qu’ils influent sur son bien-être et sur la confiance que l’enfant lui voue.

La mère bienveillante (im)parfaite accepte donc en conscience les conséquences de ses dérapages. Elle travaille sans relâche à modifier les circuits neuronaux qui l’amènent à ses réactions. En conscience que c’est un processus. Que ça prend du temps.

La mère bienveillante (im)parfaite échange systématiquement avec ses enfants. Elle s’excuse. Elle explique que l’enfant n’y est pour rien. Que la réaction de maman appartient à maman, que maman travaille pour qu’elle ne se reproduise pas. Que lui, son enfant, il est parfait tel qu’il est.

La mère bienveillante (im)parfaite à aussi la croyance qu’accepter ses failles, s’en excuser et réparer au mieux, est formateur pour l’enfant. Que cela lui donne le droit à l’erreur à lui aussi. Que cela lui apprend aussi la bienveillance envers soi-même; cette bienveillance d’où seule peut venir la bienveillance pour autrui.

 

En conclusion

Je sais que cette manière de penser la bienveillance éducative paraîtra trop légère à certains. Je comprends aussi le côté subjectif de cette manière de penser: jusqu’où accepte-t-on un écart? Si on commence à accepter une sortie de route, n’est-ce-pas la porte ouverte à la multiplication des sorties de routes?

Je comprends tous ces questionnements, ils m’habitent aussi. Et en même temps, est-ce réaliste d’envisager abolir plusieurs générations de VEO en une seule? Est-ce réaliste d’envisager modifier toutes nos réactions réflexes, conditionnées par notre éducation et notre environnement, par la simple action de la volonté?

Dans un monde idéal, chaque parent ferait une thérapie avant d’avoir un enfant afin d’éliminer les casseroles qui le mène à des réactions de violence incontrôlée. Mais dans ce monde idéal, beaucoup de femmes n’arriveraient-elles pas à la ménopause avant d’arriver au bout de ce cheminement?

Pouvons-nous accepter que faire mieux que la génération précédente, c’est déjà énorme? Un pas de plus vers un monde sans VEO? Pouvons-nous avoir confiance que nos enfants, avec la capacité de résilience qui les caractérise, pourrons sortir heureux d’une éducation imparfaite, mais donnée en conscience? Pouvons-nous garder l’espoir qu’eux mêmes feront mieux que nous et que de générations en générations, le monde meilleur que nous visons se construira?

Trouvez vous ma position trop légère? Êtes vous aussi un parent bienveillant imparfait? 

 

 

 

20 réflexions sur “La mère bienveillante (im)parfaite

  1. Flokita dit :

    Bonjour,
    Ce témoignage résonne fortement en moi. Mais je trouve qu’il manque quelque chose : si je craque, c’est que mon enfant m’a poussé à bout. Nous sommes donc deux à devoir résoudre le problème. Chacun à son niveau bien sûr. Et c’est à moi de lui montrer le chemin, de l’aider, de le prévenir en cas de situation sur le point de dégénérer. Mais mon enfant n’est pas parfait, et c’est normal. Avant je le trouvais parfait et je pensais que c’était logique car je l’aime plus que tout au monde. Maintenant, j’assume que parfois son comportement me déplaît mais je l’aime toujours autant et je suis super fière de lui !

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    • parents, ça s'apprend ! dit :

      Bonjour. Je ne suis pas sûre de bien comprendre votre remarque. Car si vous dites que votre enfant vous pousse à bout, je trouve que ça laisse penser qu’il l’a fait exprès? Or un jeune enfant ne manipule pas et ne gère pas ses émotions. Après, ça n’empêche pas en effet de montrer les comportements attendus dans telle ou telle situation mais sans attendre d’eux ce qu’ils ne peuvent pas donner. Qu’en pensez-vous?

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  2. Vanessa dit :

    Merci pour ces mots! cet article arrive pile en plein moment de doutes, de fossé entre ce que j’avais imaginé et ce qu’il se passe…que je ne suis pas la mère dont je rêvais, et que je n’ai pas le fils calme comme je pouvais l’être petite…On recherche ce type de réflexion effectivement, plutôt que des conseils, j’ai beau lire des livres sur la bienveillance, ben au quotidien, souvent on fait ce que l’on peut, mais on culpabilise un max après coup! C’est tellement dur de tout concilier, alors merci de poser des mots sur mon ressenti, et celui de tant d’autres mères qui n’osent avouer que parfois, elles dérapent!

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    • parents, ça s'apprend ! dit :

      Merci pour votre commentaire. Ca me fait du bien aussi de voir que ça résonne pour vous et pour d’autres mamans. C’est douloureux de s’avouer qu’on n’est pas à la hauteur de ce qu’on s’était imaginer alors l’avouer aux autres… mais finalement, ça fait du bien à tout le monde !:)

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  3. Maité dit :

    Merci… je me reconnais exactement dans cette prise de conscience. Arrivée du deuxième, aîné de 3 ans, réaliser que non on y arrivera plus aussi facilement désormais…
    Je tombe sur ton article juste au moment on j’en ai besoin. Merci!

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  4. So dit :

    Bonjour,

    Déjà, pour commencer un GRAND merci pour ce blog, qui 1. arrive au bon moment dans ma vie de maman, et 2. qui m’aide à réaliser énormément de choses sur ce que j’ai pu « rater » avec mon premier, et comment les corriger.

    L’arrivée de mon deuxième m’a fait réaliser beaucoup de choses, et j’ai découvert votre blog ainsi que celui de Happynaiss au moment où j’en avais besoin pour rectifier la situation avec mon grand. Pendant des années je me suis dit que j’avais un petit bonhomme un peu perché, ayant du mal à se focaliser, cherchant la contradiction et le conflit, et que ça venait de son caractère…Grossière erreur ! La remise en question est d’une part tardive (elle arrive 7 ans trop tard), et d’autre part très douloureuse : se rendre compte de tout ce qu’on a mal fait, pensant en effet avoir les meilleures intentions du monde, essayant d’être une mère parfaite voulant tout contrôler, étouffant au passage mon petit bonhomme qui n’a plus de place pour s’exprimer … et bien-sûr, la culpabilité d’avoir « craqué » à plusieurs reprises (VEO).

    Maintenant que je lis ces blogs, et que je fais un travail sur moi, la relation s’améliore nettement, je dois dire que je trouve que chaque article que je lis résonne chez moi comme si je voyais enfin la lumière au bout du tunnel: avoir une relation d’égal à égal avec son enfant plutôt qu’un rapport de force, réaliser l’importance de la figure d’attachement (pourquoi se comporte-il avec moi comme ça alors qu’ailleurs il est hyper cool?) réaliser le comportement de mon enfant à travers les objectifs mirages (7 ans de conflits à table…) bref, je pense avoir retrouvé le chemin d’une relation mèrefils heureuse, mais il me reste une ENORME question, soulevée brièvement ci-dessus… Comment on récupère le tir, et comment s’assure-t-on que son enfant a bien compris que tout ce temps c’était maman qui était fautive… ?

    A l’école on me dit qu’il est pénible, qu’il répond, qu’il se bagarre occasionnellement avec ses copains, la violence pouvant être verbale ou physique – il reproduit ce qu’il a vécu à la maison… j’ai beau lui dire que je m’excuse, et que je lui ai donné le mauvais exemple, lui expliquer qu’il peut s’exprimer avec des mots, lui faire constater que depuis que Maman a eu son « épiphanie », les choses vont bien mieux à la maison pour lui et pour moi… mais est-ce que le mal est fait? l’ai-je marqué à vie?

    Quant à la culpabilité, je sais déjà que ça risque de me suivre un long moment et que finalement, ça me rappelle de rester humble par rapport à mon éducation et à toujours me remettre en question pour m’assurer du bien-être de mon petit bonhomme…

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    • parents, ça s'apprend ! dit :

      Merci beaucoup pour ton partage. Il me touche beaucoup. Et je pense que tu es en train de faire un grand cadeau à ton fils en lui montrant que tout le monde à le droit à l’erreur et qu’on peut tous changer. Et en verbalisant tout cela avec lui. Je crois aussi que les enfants ont une grande capacité de résilience et je suis persuadée que ton fils va grandir épanoui avec une maman comme toi. Ceci dit c’est normal que le changement prenne du temps, le temps d’activer et renforcer de nouveaux circuits neuronaux !;)

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      • Audrey MENDES dit :

        Je rajouterais que trop se sentir coupable n’est pas sain. On ne peut pas changer le passé, juste l’avenir. C’est bien d’en parler, en parler à l’école, les choses prennent du temps par ex mon fils a été traumatisé par sa maîtresse de moyenne section et maintenant qu’il est en CM2 les choses finissent par se débloquer. Ayez confiance en la vie et en l’avenir.

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  5. Pillowlava dit :

    Je suis sur la même ligne… on fait ce qu’on peut. Un jour de grande culpabilité, ma sophrologue m’a fait remarquer à quel point ce serait un poids terrible pour un enfant d’avoir des parents parfaits. Qu’on est humains et que c’est aussi important de montrer que nos erreurs nous font progresser. Ça n’a pas enlevé toute la culpabilité (ne rêvons pas) mais ça m’a fait du bien 🙂

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    • parents, ça s'apprend ! dit :

      Oui, exactement ! On leur donne le droit à l’erreur, le droit de s’accepter tels qu’ils sont dans toute leur palette en se l’offrant à nous même.

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  6. mande43 dit :

    Mère bienveillante imparfaite c’est tout à fait ça en ce qui me concerne. Nous sommes des êtres humains avec nos casseroles. On fait de notre mieux chaque jour et c’est déjà beaucoup. La bienveillance s’applique à soi même , on a beaucoup à faire sur le chemin de la perfection, alors regardons ce qu’on fait déjà de bien et félicitons nous pour ça 😉

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  7. Audrey MENDES dit :

    Tout est dit, c’est… Parfait !
    Moi aussi j’ai été dans ces groupes… Les mamans bienveillante ne l’étaient pas avec les membres imparfaites. Avant de partie, j’ai parlé de la communication non violente, entre adultes. Si elles me jugent parce que d’après elles je les juge, c’est du jugement et le constat n’est pas interdit. On a le droit à l’erreur même entre nous, on ne peut pas dicter la conduite des autres, le cheminement est là et c’est ce qui compte. On ne peut pas non plus conseiller les autres mamans car chaque enfant fonctionne différemment et connaît sa maman donc agit comme il a l’habitude en fait.

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  8. Emma - Parent Plus Qu’Imparfait dit :

    Merci pour ce super article ! Personnellement, je pense que les parents parfaits n’ont pas d’enfant. La mère parfaite n’existe pas, ce ne sont que des images qui malheureusement font mal quand on voit qu’on est pas parfaits. Pire, on se culpabilise et ça, c’est terrible car la culpabilité nous bouffe, nous paralyse, joue sur notre estime de soi. Alors acceptons que la perfection n’existe pas, soyons fières du chemin parcouru, soyons fières d’être nous-mêmes, soyons fières d’être authentiques, soyons fières d’être perfectibles et non parfaites 😊.

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  9. Sabine j dit :

    Merci pour ces mots qui resonnent particulièrement en moi et qui décrivent vraiment bien mon propre cheminement: la maman bienveillante que je voulais être avec l arrivée de ma fille, endossant mon rôle de mère à bras le corps et puis 18 mois plus tard l arrivée du deuxième… Je me revois allaitant mon fils avec ma fille qui nous sautait dessus voulant griffer son frère… J étais demunie et pour la première fois submergée par des emotions tellement intenses et nouvelles que je n arrivait pas à tempérer ! C était très difficile à admettre mais je n arrivais pas à gérer : la claque ! Maintenant j accepte d être cette mère bienveillante imparfaite qui fait des dérapages dont on peut parler avec mes enfants et être d egal à égal dans une belle relation… Être parents c est vrai ça s apprend, être imparfait sans culpabiliser en fait parti ! Pour ma part j’ai eu besoin de faire en parallèle un travail sur moi et mes casseroles comme on dit et ça m aide beaucoup… Je suis sur le chemin…

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